Autant vous prévenir tout de suite, aujourd’hui, je vais parler comme une vieille C…. genre « c’était mieux avant » Si vous continuez la lecture de cet article vous ne pourrez donc vous en prendre qu’à vous-même ! 😉 (Ou comment je me dégage de toute responsabilité !)
Sincèrement, je n’ai rien contre le progrès technologique ni contre internet qui est un outil formidable mais j’ai bien peur qu’Internet ait tué la magie du voyage indépendant.
La magie du voyage indépendant
Pour moi la magie du voyage indépendant, c’est cette sensation unique de plonger dans l’inconnu, de découvrir ce qu’aucun de mes rêves les plus fous n’aurait su dessiner.
Mais c’est aussi pouvoir lâcher prise et ouvrir la porte à tous les peut-être, juste parce qu’on n’a pas idée de ce qui nous attend, juste parce que la surprise surgit à tout moment. Au coin d’une rue. En pénétrant dans un lieu sacré. En gravissant une montagne. En empruntant un tuk-tuk. En allant au marché…
Parce qu’on ne sait pas encore comment on ralliera la jungle, à quoi ressemblera le jour d’après, les rencontres qu’on aura la chance de faire… ou pas ^^
La magie du voyage, c’est comme la magie de pouvoir écrire et colorer un livre d’images encore vierge de la première à la dernière page, un livre dont on est le héros, avec des choix à faire à chaque page, guidé par l’instinct, par l’intuition, par une curiosité enfantine…
Sauf qu’aujourd’hui Internet a désacralisé le voyage. Voici pourquoi.
Des itinéraires parfaitement tracés
Avec Internet combien sommes-nous de voyageurs à préparer l’itinéraire de notre prochain voyage des mois à l’avance ?… Histoire d’être sûrs de ne pas perdre de temps une fois sur place, nous utilisons des applis pour créer notre itinéraire, remplir nos journées, optimiser le timing de nos visites. Nous n’hésitons pas :
- soit à piquer des bouts de parcours chez des blogueurs voyageurs
- soit à soumettre notre parcours aux spécialistes de la destination sur les forums de voyage, comme s’ils détenaient la seule vérité possible.
Résultat ce voyage indépendant qu’on croit se créer en toute liberté n’est plus qu’une version édulcorée de nos propres envies.
PIRE IL EST ÉCRIT D’AVANCE.
Déjà vu avant d’y aller !
Vous avez envie d’aller en Indonésie ? Dans Google Images, Flickr ou Picasa, tapez simplement « Indonésie » et vous y êtes ! La croissance exponentielle des images publiées sur Internet permet au voyageur de se projeter dans son futur voyage comme s’il y était déjà !
Et ceci est vrai pour chaque coin du monde, pas seulement les lieux les plus visités. On peut voir ce qu’on mangera dans la gargote de cette plage plus secrète pour longtemps de la plus éloignée des îles d’Indonésie. Découvrir les fonds marins de Sipadan. Voir le quotidien de la tribu des hommes fleurs. Admirer les icebergs du fin fond du Groenland sous tous les angles. Évaluer la qualité du matelas de l’hôtel de notre troisième nuit de voyage.
Résultat on tue la surprise liée à la découverte, on zigouille d’emblée l’émerveillement lié à « la première fois », on se prive de tout ce qui fait la magie du voyage. Et en plus, on se pré-fabrique un voyage avec les images des autres. On place de grands espoirs dans ce voyage, on en attend beaucoup beaucoup trop, courant le risque d’être déçus une fois sur place : les images dont nous nous sommes abreuvés sont forcément une version embellie de la réalité ou la représentation de la vision d’un voyageur qui n’est pas la nôtre…
Des sites pour tout réserver, des applis pour tout faire
Avec Internet, on peut tout réserver d’avance : nuits d’hôtel, transport en bateau entre les îles, guide privé pour une visite urbaine, repas chez l’habitant, visite d’un monument à heure précise… oui, c’est pratique, mais en même temps ça fige le voyage et ça restreint la marge de décider sur place en fonction de ses envies du moment.
Idem pour les applis qui offrent des cartes détaillées sur tout, des visites guidées de toutes les villes du monde, toutes les façons de relier un point A à un point B, la liste des meilleurs restaurants autour de vous, des planificateurs de voyage, des GPS ultra précis, les endroits à voir… jusqu’ à l’emplacement des toilettes publiques les plus proches. Comme si le hasard n’avait plus de place… Or le hasard n’est-il pas aussi l’un des paramètres créant la magie du voyage ?
OK c’est pratique, mais le hic c’est que l’utile prend le pas sur l’aventure…
Une professionnalisation du voyage indépendant
En quelques années, la communauté des voyageurs indépendants, voyageurs au long cours, voyageurs en CDI et autres accros du voyage s’est très largement agrandie, donnant naissance à de nombreux blogs de voyage, généralistes, spécialisés ou à thème, dont le contenu peut rivaliser sans rougir avec les guides de voyage traditionnels.
Aujourd’hui, le monde est désormais quadrillé du Nord au Sud et d’Est en Ouest par des récits de voyage ultra détaillés, émaillés d’images léchées, de vidéos à sensations, de conseils parfaitement pertinents et d’astuces pour bien voyager. Bien pratique encore une fois – et surtout gain de temps lorsque le voyage n’est que de 2 ou 3 semaines – mais limitant l’apprentissage et l’expérience liés au voyage, 2 autres paramètres créant la magie du voyage.
Plus on sait avant à quoi s’attendre, comment il faut procéder, ce qu’il faut faire et ne pas faire, moins la surprise – et donc la magie du voyage – est là à l’arrivée. OK parfois quand on ne sait pas, on en c…, mais au final quelle excitation on ressent d’avoir fait ses propres choix dans telle ou telle situation !
Oui, aujourd’hui, on peut vivre un voyage par procuration, à travers les yeux d’un blogueur, et c’est très chouette – je lis de nombreux blogs de voyage, je blogue moi-même et j’adore – mais je trouve malgré tout que cela ôte une partie de l’aura du voyage…
Oui, Internet a rapproché les frontières, rendu le monde accessible à une famille toujours plus grande de voyageurs, mais au détriment de la magie du voyage… celle-là même qu’on ressent lorsqu’on voyage en indépendant pour la première fois.
Je vous avais bien dit que j’allais parler comme une vieille C…. Et je ne vais pas vous décevoir ! Oui, parfois je regrette presque le temps où on partait avec juste le Routard ou le Lonely Planet en poche. Même si c’était des bibles de voyage imparfaites, on s’en servait à titre indicatif, comme guides pratiques, mais sûrement pas pour vivre son voyage avant d’y aller…
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