Voyager, ce n’est ni fuir ses problèmes ni être instable, c’est revendiquer le droit d’être un autre soi-même, le vrai soi-même. Celui qu’on a envie d’être. Ce soi-même qu’on enfouit soigneusement ici. Celui que le quotidien ne vous permet pas d’être.
Allons, ne me dites pas qu’ICI, vous ne vous êtes jamais senti étriqué dans des principes qui ne sont pas les vôtres, prisonnier de valeurs dont vous avez hérité mais que vous traînez comme un boulet de bagnard parce qu’elles ne vous appartiennent pas…
Alors qu’en voyage, subitement, ce corset dans lequel vous êtes prisonnier vole en éclats. Vous vous sentez pousser des ailes. Capable de gravir des montagnes. De danser votre vie. Vous n’êtes pas anormal. Vous n’avez juste pas encore pris conscience que voyager permet d’aller à la rencontre de soi-même…
Pourquoi ICI empêche d’être soi-même ?
ICI, dans notre pays, dans notre région, dans notre ville ou notre village, inconsciemment on est englué dans un terreau d’habitudes, on est programmé pour être dans le moule standard de la société dont le critère « être soi-même » ne fait absolument pas partie.
ICI, le chemin est tracé d’avance
Faire des études. Avoir le bac. Décrocher un bon job – si possible un CDI – pour bénéficier d’un statut social et idéalement être bankable. Se marier. Acheter une maison avec un jardin. Avoir des enfants. Choisir le chien qui va bien avec le jardin. Travailler dur toute la semaine pour augmenter la valeur de son patrimoine, acheter une voiture plus grande, se payer les derniers gadgets high tech pour rester « in ». Pour avoir plus. Toujours plus.
ICI on nous apprend depuis tout petit que pour réussir il faut AVOIR. Comme si, hors de l’avoir, point de salut… Être soi-même ? Allons faut même pas y penser… Parce qu’oser vouloir prendre un autre chemin, c’est se heurter aux principes familiaux (encore eux !) :
- « Etre « BIP » ( j’ai écrit bip pour ne froisser aucune sensibilité mais je pense que cette phrase parlera aisément à certains d’entre vous), mais ce n’est pas un métier mon fils ! »
- « Quand vas-tu te décider à avoir un vrai métier stable ? A fonder une famille ? A nous donner des petits-enfants ? »
- « Pourquoi tu ne prends pas modèle sur ta sœur ? On vous a pourtant élevés pareil ! »
- « Devenir BIP, n’y songe même pas, ce serait la honte pour nous devant nos amis. Eux, leurs fils sont médecins au moins ! »
Oui ce genre de phrases assassines existe encore…
ICI, il n’y a que peu de place pour être soi-même hors du chemin. Emprunter une autre voie que celle toute tracée par la société de consommation, c’est être catalogué comme « différent » voire « pas normal ». Et notre société, on le sait, n’aime pas la différence, préférant une pomme lisse et brillante à une pomme pas bien ronde dont la robe présenterait des nuances de rouge au lieu d’un rouge plus-que-parfait.
ICI, on porte un masque
Pas parce que c’est carnaval. Juste parce que pour accéder à la réussite telle qu’elle a été érigée par notre société, il faut porter un masque social. Pour ne pas perdre la face. Pour paraître celui qu’on n’est pas et masquer ses faiblesses, sa vulnérabilité, un trop plein d’empathie, d’altruisme, un excès d’émotions.
ICI, nous portons tous un masque. Au boulot pour être le/la collègue que tout le monde apprécie, faire siens les codes de l’entreprise… Dans notre vie quotidienne pour éviter la pression sociale, gommer les aspérités propres à chacun qui mais qui font peur au collectif, renvoyer aux autres une image rassurante de bon mari / compagne idéale, de citoyen / citoyenne lambda, d’ami(e), de frère/sœur, de mère/père, de fils/fille modèle…
Attention, je ne dis pas que nous sommes tous des psychopathes dissimulés, juste que la société nous dicte, consciemment ou inconsciemment, la conduite à tenir et le portrait à offrir à ceux qui nous entourent, pour éviter la critique, ne pas décevoir, faire plaisir à ou ne pas être marginalisé. Souvent au point de nous faire oublier ce que signifie vraiment être soi-même…
Mais alors, en quoi le voyage et l’ailleurs permettent de renouer avec son soi-même ?
VOYAGER, c’est partir à la rencontre de soi-même
N’avez-vous jamais remarqué, en voyage sac à dos, à quel point on prend plus facilement des initiatives en accord avec ses besoins et aspirations profondes ? À quel point on se sent plus léger, plus libre d’agir… moins inhibé ? À quel point on se sent vraiment libre d’être soi-même ?
L’AILLEURS dissout la pression sociale
Lorsqu’on voyage, on laisse sur le tarmac sa culture, ses croyances et tout cet attirail de valeurs propres à notre société. En voyage il n’est nulle question de stratégie de réussite, de devoir ressembler à cette image modèle. Seule compte la soif de découverte d’une autre culture. On débarque, débarrassé de notre carcan social qui, sous d’autres horizons, devient superfétatoire. Inconsciemment on dépose le masque. Et c’est encore plus vrai dans les pays qui ne sont pas encore gangrenées par l’hyper-consommation.
L’AILLEURS favorise l’ouverture aux autres et la reconquête de soi-même
Alors qu’ICI, on nous apprend dès notre plus jeune âge à ne pas parler aux inconnus et limite à avoir peur de notre propre ombre, en voyage, c’est tout le contraire : toute situation est prétexte à entamer la discussion avec d’autres voyageurs, mais surtout avec les populations locales. Ces populations ne connaissent pas notre vécu, nos obligations, se fichent pas mal de nos ambitions de réussite…
Du coup, instinctivement, nous sommes dans un échange plus simple, plus authentique, plus sain même, comme si l’Autre avait cette faculté innée de faire sauter instantanément les verrous de l’apparence, permettant par là même à chacun d’entre nous d’être soi-même…
En voyage, on peut facilement être l’inconnu qu’on rêve d’être. Les jugements et critiques, étrangement, n’ont aucune emprise sur nous : on prête largement moins d’importance au regard des autres, au « qu’en dira-t-on »… On cherche à ÊTRE avant d’AVOIR… spontanément !
L’AILLEURS augmente la valeur de l’instant présent
ICI nous nous laissons prendre en sandwich entre un passé pas vraiment derrière nous et l’obsession d’un avenir à construire, et nous nous construisons un personnage qui n’est pas nous.
Alors qu’AILLEURS, nous sommes exclusivement dans le « vivre l’instant présent à fond », ce qui facilite l’éclosion de cette partie de nous qu’on fait soigneusement taire en temps ordinaire. L’instant présent, dans sa plus pure expression (c’est-à-dire dégagé de l’emprise du passé et de l’avenir) permet au voyageur d’être soi-même.
Le voyage est l’un des derniers espaces où on peut reconquérir cette liberté d’être soi-même. Loin de toute comédie sociale, professionnelle, familiale. On ne voyage pas pour fuir, mais bien pour avoir la chance de savoir qui on est vraiment.
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